Bonjour,
Me voila arrêté
pour deux jours a Puerto Natales, à attendre
le bateau de la Navimag, ferry qui fait la navette
entre Puerto Monte et Puerto Natales en 3 nuits
et 4 jours de navigation entre les canaux de
Patagonie et le sud du Chili.
Un voyage dont je rêve
depuis longtemps, paysage de fjords, glaciers,
volcans et cette traversée du Golfo dos
Peñas qui est impressionnante...
Et si certaines bonnes raisons
me dictent d'accepter cette décision,
les tempêtes de l'âme viennent
me secouer et me tourmenter dans ces terres
désolées patagoniennes.
Bref j'ai pris des bus, des
nuits durant, des bateaux dans la nuit noire
des mers froides, suivi la carrretera australe
le long des canaux de la Patagonie chilienne
sur ses pistes défoncées, puis
longés les centaines de Km rectilignes
de pampa désolée, dormant en boule
sur des sièges en moleskine troués,
défoncés et rarement dans des
lits qui se transformaient alors en des abysses
d'abrutissement.
Me voilà un peu groggy,
réveillé à cette réalité
d'un voyage sans but, le retour n'étant
plus qu'une éventualité.
Le paysage autour de moi est
splendide et effrayant. Une immensité
tour à tour, menaçant, vide, d'une
nature dans sa puissance première.
Les destructions humaines,
ces centaines
de km de forêts abattues ou brûlées,
le bois sans valeur ou inaccessible souvent
abandonné sur place le long de la Cordillère, augmentent
la dimension tragique et vide d'affect des
éléments bruts en présence.
Et puis ces troncs effrayants,
qui restent debout, spectres lugubres, squelettes
de ce qui fut une richesse de diversité
biologique spécifique à ces régions
humides et froides.
Brûler et détruire
faisaient office d'acte de propriété
jusqu'au milieu du XXème siècle...
Le vent, c'est celui de la
Bretagne quand elle se fait mauvaise. Les nuées
chargent les cieux, en immenses voiles illuminés
de l'intérieur et des masses noires se
parsèment de percées des faisceaux
acérés de lumières célestes.
Les brouillards d'écume
d'une mer, glaciale et formée, irradient
d'arc-en-ciel le jeu de l'eau et des cieux.
Et là, absolument parfaits
les cygnes blancs, au col noir et au jabot flamboyant,
se balancent avec indifférence au mouvement
de la vague ; troupe, de dandy, attentive
et hautaine, comme les pingouins. Insolence
de leurs regards de buddhas, voyageurs des confins,
et compléte indifférence à
la violence des éléments.
À une vitesse incroyable,
les grands goélands viennent fleurer
la surface des brisants, loopings vertigineux
d'une maîtrise parfaite.
Au loin les montagnes, les
glaciers, sculptés de tranchants, des
arêtes, surgissant sans préambule
des plaines immenses, mers immobiles, ou seuls
qqs troupeaux de moutons et de bizarres petites
autruches, les nandous, viennent se mêler
à des passages d'oies sauvages.
Pas d'arbres, buissons épars de genets
et de graminées.
Les villes traversées
ou de séjour sont établies sur
des plans géométriques, Plazza
de Armas centrales et blocks, sûrement
pour favoriser les accélérations
brutales des vents au détour des perpendiculaires. Monde
de maisons en bois, colorées et
tarabiscotées, qui semblent de papier,
toiture en tôle et courants d'air au travers
des planches souvent déjointées ;
rues vides, herbes folles et arbustes rabougris.
Population pauvre et rude
bien sûr. Râblés, courtauds,
races mélangées, de l'asiatique,
de l'indo-européen, du trapus, costauds.
Bienveillants, accueillants, et plutôt
souriants. Très calme, pas de cris, ni
d'éclats de voix, voiture respectueuse
du passant, une certaine nonchalance ennuyée. Jeans
de rigueur, blousons, mauvaises vestes de nylon,
des chiens nombreux dans les rues, patibulaires
et heureusement assoupis.
Nourriture économique
d'énorme soupe de poissons et de coquillages
mélangées: ormeaux, coques, palourdes,
moules et d'autres mollusques indéfinissables.
Poissons somptueux, loup, congre, et puis la
reineta, et le perpejerse... si, si,... des
salades de tomates, oignons, et coriandre et
un vin capiteux, si délicieux..., bon,
bien sur, un peu court en bouche, mais
c est + que buvable....
Souvent seul, mais aussi des
rencontres amicales et la marche, le long de
tout ce qui est praticable, les mains dans les
poches comme disait le poète.
Bon, vous voyez le genre...
La suite au prochain épisode
au programme, cette traversée
en bateau, une visite avec un ami ethnologue rencontre
à Valparaiso des réalités
des indiens mapuches à Temuco face aux
entreprises forestières et l'arrivée
de Tanguy à Santiago le 24...
Ambracao
JF