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Le dimanche à Bamako
       
     
 
 
 
Djenné, arbre des palabres.
Baobab, Ségou, Mali....
     
     
     
 Je ne sais plus qui parlait de la griffure de la mort sur le lustre de l'espoir, inéluctable...

Alors...
"Le dimanche à Bamako, c'est le jour de mariage...."
Vu de l'extérieur, parce que je n'ai pas vécu les mariages de l'intérieur, ça se passe autour des mairies. Elles sont situées dans les quartiers, au milieu des grandes voies pénétrantes, que j'évite le + possible, trop dangereuses, polluées. Je vais en moto sur les routes latérales, secondaires, alternatives et organiques, en fuite sur la latérite. Au long de celles-ci, les marchés, les mosquées, les ferrailleurs, les couturiers, ponctuation hasardeuses de gendarmes couchés, de nids de poules, et aussi d'événements imprévisibles, et autres jaillessemnt d'échaffaudage roulants, ou démonstrations de maestria Wheeling...trés à la mode. Mais le samedi et le dimanche autour des mairies les cohortes de voitures s'embouteillent consciencieusement pour bloquer la circulation de la façon la + efficace possible, c.a.d. dans le bordel le plus grand. là c'est le domaine des hommes; la chaleur aidant, l'ambiance devient vite passionnante.

Pour les derniers arrivés, il est encore temps dans un demi-tour rageur, de faire patiner les Mercedes, pour se libérer et essayer d'attaquer et de forcer le passage par des voies différentes : le trottoir est généralement déjà occupé, la voie de gauche aussi, il devient urgent de remplir les rues adjacentes, quitter le goudron, et faire ainsi voler la poussière de latérite.

Le flot des "Djakarta" ( le surnom de la moto que j'utilise), partageant ce privilège avec des milliers de bamakois), guide nos cortèges de noceurs, à travers les cours et les maisons, domaines habituellement calmes, et réservés aux familles, et aux animaux de compagnie que sont les volailles, vaches, moutons et qqs asidés.

Mais je suis un as de la mob. depuis les années 68, n'en déplaise à Sarko, et j'arrive à m'approcher du coeur de la fête qui bats son plein, là, près de la mairie.

Plusieurs noces se sont donnés RV au même moment, sûrement pour faire participer le maximum de monde à ce grand show. Tous sont en tenue n°1, comme partout dans le monde. Les femmes sont des princesses, des reines, des douairières, somptueuses, altières, (qqs stars aussi echapées des novelas brésiliennes, ou des mangas japonais) n'accordant pas le moindre regard aux hommes qui, d'ailleurs, eux aussi ne les regardent pas plus, affairés avec les problèmes de voitures, qui ne s'arrangent pas.

L'embouteillage est à son comble , tous les vides sont remplis et, là garés sur le coté, je contemple le noeud gordien de la création de l'univers,...... eh oui, là c'est le magma chaotique primordial ......indifférenciation, des molécules de différentes tailles, sans ordre, les bus, sotrabas, taxis, les mercos,...... mélangés dans un maelström unique, .......et émergeant de cette soupe, d'un seul coup devant mes yeux émerveillés, j'assiste à la création d'une galaxie....., enfin un premier agglomérat de particules d'abord...., des hommes..... qui encore enchevêtrés par des prises de manches et de cols, attirent inexorablement d'autres matières isolées qui se précipitent et s'agglutinent avec vaillance et volupté dans cette boule de matière en formation, et ce dans corps à corps débonnaires, frottement de jouissance, rut fondamental exacerbant  le goût de donner et de recevoir.

J'ai même pu assister à la formation d'une comète, enfin un noyau plus lourd qui s'échappait du centre entraînant avec lui une trainée d'étincelles dans un sillage de pétard chinois. Il faut même faire un peu attention à cette course brève flamboyante mais aléatoire....

Les femmes, drapées dans leurs dignités et leurs, tissus d'une insoutenable beauté, bogolan, et bazin, sont restés impassibles, grandes prêtresses de la vie et de la mort, distillant du coin de l'oeil, les satisfecits, les futures vengeances aussi froides que la température est caniculaire, et vérifiant d'un oeil transcendantal la bienséance des moeurs et les hierachies fondamentales.

Qqs grappes de jeunes étoiles, goguenardes, comptent les points, en marivaudant du coin de l'oeil. Je m'échappe, space-captain, ébloui, profitant d'une fissure dans le Continuum spatio-temporel.

Dans le même genre... :

Hier soir, concert de reggae hallucinant - les spectateurs montent sur scène, dansent, se pavanent sans vergogne, se parodient, se prennent pour la star, musique puissante, riffles tranchants, l'énergie du chanteur, jeune et lumineux...

Tout ça dans une ambiance fraîche, gaie ... les copines se prennent par la main pour faire qqs pas de danse sur scène, sur laquelle des rastas du troisième age scandent dans une gestuelle illuminée les paroles prophétiques parmi les pantomimes de certains facétieux. Enorme drôlerie, éclat de rire, de cette foule colorée, emportée par la musique dans une danse de joie.

Suite du concert au "carrefour des jeunes" à Bmk, la foule, jouer de la natation dans les corps pour entrer, cohue impressionnante, et pourtant bon enfant, et à l'intérieur, enfin, grande cour, des jardins, des lieux différents, grands arbres coloniaux, du monde partout, pas de pression, de la vie, la danse, et la gentillesse de ces deux gars polio, qui avaient dû sentir le handicap dans la vie.

Douceur epicees des fumées, (l'avantage des pays musulmans — pas d'alcool, une certaine légèreté dans l'ivresse...)

La belle Afrique, celle de la fête, celle du reggae, celle que l'on ne voit pas dans les médias, chaleur et émotion collective, tapes dans les mains, poings fermés qui se reconnaissent. "until the philosophy which made one race superior to an another...........everywhere it's war, war......"

Sortie épique, la porte dégeule régulièrement son flot de resquilleurs, puis se referme, Maintenus par de grands costauds qui ne jouent que par l’inertie de la puissance et après ces crues et décrues, cette tracée, lors d'une ouverture : fendre les flots à contre courant, n'être qu'une étrave humaine dans cette passe, traverser les corps, poussé par derrière, corps séparant d'autres corps, malgré tout, en douceur, déséquilibre énergique qui me laisse l'impression d'avoir été une bulle dans le siphon d'une bouteille de ... champagne ?? Jah Man !!!

Hier soir, soirée slam au centre culturel français, orchestre de jazzmen, un peu hétéroclite, efficace, thèmes répétitifs, mélodiques. Texte d'un poète congolais qui chante son pays détruit, une Afrique de souffrance... Expats paisibles, attentifs, sous le charme.

L'ambassadeur, degingandé, seul, accoudé au bar, légèrement ennuyé...

Un album de Loustal ouvert devant mes yeux, au Patio de Bmk. Bon, une porte importante dans la distribution de la spiru s'est ouverte avec le référencement auprès du cercle de Kati... et maintenant les Maliens autour de Bamako pourront acheter ce produit dans leurs centres de santé communautaire. Ah cette petite lumière de reconnaissance dans le regard des gens qui bossent avec moi;.;délicieux et pour moi aussi une sympathique clarté dans ce non-sens.

Corinne et Suzanne arrivent fin de semaine prochaine,; je leur concocte un voyage dans le fabuleux delta intérieur du Niger et le pays Dogon.

Content de bouger un peu, de sortir de l'enfer bamakois : un américain, un européen et un africain meurent ensemble dans un accident de voiture. Ils arrivent en enfer, et le diable les reçoit. L'américain demande de faire un dernier tel à sa famille.Ok, dit le diable; Mais après une heure de com, le diable présente sa facture : 5000 dollars. Bon, OK. L'européen passe lui aussi une heure au tel et s'en tire pour 3000 eus... Au tour de l'africain, qui appelle sa femme, mais aussi son oncle, sa cousine et d'autres encore et ce pendant cinq heures. Tarif : 500 Fcfa. Quoi, s'énervent l’européen et le ricain, il téléphone tout ce temps-là, pour si peu cher, tu te fous de nous, Diable ??? Mais, non, lui répond celui-ci, pour lui, c'est un appel local....

Et oui, comme le disait mon ami, le paradis est ailleurs puisque l'enfer est ici...

Keep on